Rapport de la Cour des Comptes sur Radio France

publié en février 2006



Ce rapport de la Cour des Comptes vaut vraiment la peine d'être lu. Pour ceux qui n'en auraient pas le temps, en voici quelques extraits.


SITUATION ET PERSPECTIVES DE RADIO FRANCE

Rapport de la Cour des Comptes sur Radio France
Examinant il y a huit ans les comptes et la gestion de Radio France, la Cour avait à l’époque décrit une société qui avait conservé des structures et des modes de fonctionnement relevant davantage de l’administration que de l’entreprise....
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Le dernier contrôle de la Cour établit que Radio France a su prendre, en de nombreux domaines, des mesures concourant à l’amélioration de sa gestion et des conditions dans lesquelles elle assume ses missions. Des difficultés majeures caractérisent toutefois l’avenir de la société à court et moyen termes.


La croissance des effectifs et l’engrenage des accords particuliers

Entre 1995 et 2004, l’effectif permanent de Radio France a augmenté de 34%, passant de 3.141 personnes à 4.206 (au 31 décembre).
Modérée en début de période, la progression s’est accélérée à partir de 1999, en particulier sous l’effet de l’intégration de quelque 500 intermittents et de la création de 175 emplois à la suite des accords de réduction de la durée du temps de travail. Cependant, au cours de la même période, l’effectif non permanent a plus que doublé, passant de 234 contrats à durée déterminée à 484. En revanche, les cachets et les piges, exprimés en équivalents temps plein, ont diminué de 42%.
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En termes d’heures de travail, le potentiel global de Radio France a fortement crû entre 1995 et 1999 (passant de 8,4 à 9,4 millions d’heures par an) et, compte tenu de la réduction du temps de travail, a sensiblement diminué entre 1999 et 2004 (passant de 9,4 à 8,8 millions d’heures par an).
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Le président de Radio France a indiqué que la stabilisation des effectifs était une préoccupation majeure de la société et qu’elle ne lui paraissait pas incompatible avec le développement de l’entreprise au cours des prochaines années, compte tenu notamment des gains de productivité rendus possibles par la numérisation.
Mais il a également indiqué que l’intégration des tâches dans les stations « historiques », qui conditionne ces gains de productivité, sera très difficile à réaliser. Cette constatation rejoint l’inquiétude exprimée par la Cour sur la lenteur du processus d’adaptation des stations historiques de Radio France à la numérisation.
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Depuis 1997, le point d’indice, dont l’évolution commandait auparavant les augmentations générales accordées à tous les agents, n’a pas varié. A partir de 1998, il n’y a donc plus eu, du fait des directives reçues de l’Etat, d’augmentation générale des rémunérations.
La prohibition des augmentations générales avait nécessairement pour corollaire la mise en œuvre de dispositifs alternatifs reposant sur l’accroissement de la part des augmentations individuelles et des augmentations catégorielles. En effet, elle n’était pas accompagnée d’une diminution des enveloppes globales autorisées...
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Le président de Radio France a en effet indiqué à la Cour que l’augmentation des charges de personnel devrait être limitée à 2,9% en 2005 et à 2,6 % à partir de 2006, soit une réduction très nette par rapport aux dernières années (+ 5,6% en 2003 ; + 3,4% en 2004), et le ministre de la culture et de la communication a précisé, lors de la présentation à la presse du budget de son ministère, que les ressources publiques mises à disposition de Radio France en 2006 progresseraient de 2,72% par rapport à 2005.


La rénovation de la Maison de la radio

... Ce schéma directeur, élaboré par l’agence d’architecture à laquelle Radio France avait eu recours en juillet 2003 et remis en janvier 2004, prévoyait que les travaux s’étaleraient sur huit ans et chiffrait le budget prévisionnel correspondant aux études et aux travaux à 176 M€ (en euros 2004).
Ce schéma a été vivement critiqué dans une note détaillée de la mission du contrôle d’Etat « Gestion publique conseil » datée du 30 janvier 2004, qui soulignait notamment que la restructuration du site constituerait « une opération lourde, sans précédents comparables, et dont le coût serait plus élevé qu’annoncé » et préconisait une solution alternative de « relocalisation du siège ».
Certaines de ces critiques ont été reprises dans un rapport de l’inspection générale des finances remis au cours de l’été 2004.

... Sans méconnaître les aléas des autres solutions, qui tenaient notamment aux conditions et délais dans lesquels la Maison de la Radio pourrait être vendue, la Cour constate que la solution retenue est la plus coûteuse et la plus difficile à mettre en œuvre.

... Dès lors que la mission de service public de Radio France n’autorise que des assouplissements à la marge des contraintes qui lui sont imposées par le cahier des charges en matière publicitaire, les recettes correspondantes (40 M€ en 2004, soit 10% des produits) ne paraissent pas susceptibles d’augmenter de manière très significative.
Dans ces conditions, les bénéfices de Radio France – qui ont évolué, au cours des dix dernières années, autour de 200 000 € par an – ne devraient pas lui permettre à la fois d’autofinancer son développement et de contribuer dans une large mesure au financement de la rénovation de la Maison de la radio.
La Cour considère que les conditions de financement de cette rénovation doivent être rapidement clarifiées, que la contribution demandée à Radio France doit être réaliste, et que l’Etat, unique actionnaire de la société, doit assumer les responsabilités qui lui incombent au titre de décisions qui ont été trop longtemps différées en matière de sécurité ainsi que de l’arbitrage politique qui a retenu, pour la rénovation de la Maison de la radio, le scénario le plus coûteux.




RÉPONSE DU MINISTRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE

Concernant tout d’abord les ressources humaines, la Cour indique qu’il serait « préférable de procéder à des augmentations générales modérées plutôt que de poursuivre la mise en place de dispositifs de substitution reposant sur la multiplication d’accords catégoriels ». Je partage l’avis de la Cour sur ce point. Il me paraît en effet indispensable qu’un plan de modernisation de la gestion des ressources humaines soit engagé au sein de Radio France. Cette action viserait à améliorer significativement les modes de gestion prévisionnelle des effectifs et des carrières, en limitant les accords catégoriels, en optimisant le recours à l’intermittence, et de façon générale en dégageant des gisements de productivité grâce à une modernisation de l’organisation des modes de travail. A ce titre, je considère que les effectifs globaux de l’entreprise devraient être au moins stabilisés dans les années à venir.
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Au vu des contraintes sur l’évolution à moyen terme de la ressource budgétaire disponible, il me semble d’ores et déjà acquis que l’équation ne pourra être résolue qu’à la condition que l’entreprise s’engage résolument dans une politique d’amélioration de sa productivité, lui permettant de dégager en interne des marges de manœuvre significatives pour financer ses projets de développement.



RÉPONSE DU MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION

Sur la gestion des effectifs et la politique salariale le ministère de la culture et de la communication partage le constat de la Cour sur l’évolution de la masse salariale, et notamment des effectifs de Radio France. Même s’il convient de rappeler que l’économie du média « radio » (fabrication en interne de tous les programmes) implique des effectifs plus importants que dans le modèle industriel de la télévision, la maîtrise des effectifs, permanents comme non permanents, devra constituer l’un des objectifs du prochain contrat d’objectifs et de moyens de la société (COM).
L’amélioration des procédures de contrôle interne du recrutement, qui a commencé d’être engagée, devra à cet égard être renforcée.

S’agissant de l’évolution de la politique salariale, le ministère de la culture et de la communication rappelle que la stratégie de gel du point d’indice, poursuivie par le Gouvernement depuis 1997, permet de redonner à chaque entreprise la maîtrise de sa politique salariale, pour mieux tenir compte de ses moyens financiers, des spécificités de son activité et de son climat social. Cette orientation ne semble pas devoir être infléchie dans les prochaines années.
Toutefois, le ministère de la culture et de la communication partage le point de vue de la Cour des comptes sur le fait que « l’interdiction de principe des augmentations générales devrait être revue ». En effet, comme le rappelle la Cour, la réticence des administrations de tutelle à l’égard de toute mesure d’évolution générale des rémunérations a privé le système salarial du secteur audiovisuel public d’un levier utile d’augmentation des salaires et de modernisation de la politique salariale au sein des entreprises.

C’est pourquoi, depuis 2004, le cadrage notifié aux organismes du service public de l’audiovisuel est d’une part différencié en fonction des spécificités et des marges de chaque entreprise, et autorise d’autre part les mesures d’évolution générale des salaires par entreprise. Cette stratégie doit du reste permettre de rendre aux commissions paritaires leur véritable signification, les augmentations et promotions jouant alors pleinement leur rôle de récompense de la performance sans être dévoyées pour assurer de simples revalorisations de salaires. De même, elle doit permettre aux accords catégoriels de constituer de véritables contreparties à une amélioration de l’organisation du travail d’une catégorie donnée de personnels, et non plus, comme le souligne la Cour, une répartition « du solde des enveloppes d’augmentation autorisées non consommé par les mesures automatiques et les mesures individuelles ». Le ministère de la culture et de la communication souhaite que cette stratégie puisse être également retenue lors de la notification du cadrage 2006, en cours de détermination.


Sur la décision concernant la mise aux normes de sécurité de la Maison de la Radio

La Cour constate que « la solution retenue est la plus coûteuse et la plus difficile à mettre en route » ...
S’agissant des avantages et inconvénients de chacune de ces solutions, le ministère de la culture et de la communication souhaite rappeler...

  • une incertitude majeure pesait sur la vente ou l’affectation à d’autres usages de la Maison de la Radio du fait, au-delà du caractère symbolique de ce lieu culturel de premier plan, des contraintes d’urbanisme, qui auraient pu exiger que le lieu soit réservé à un service public (des occupants tels que les services du ministère des Affaires étrangères ou le Tribunal de grande instance de Paris ont pu être envisagés). Cette incertitude ne pouvait être levée sans délai supplémentaire, alors même que les échéances fixées par la Préfecture de police étaient – pour des raisons évidentes – rapprochées et avaient déjà été repoussées. De ce fait, la mise en sécurité du bâtiment risquait en définitive d’être de toutes façons supportée par l’État, le coût de la construction d’un nouveau siège pour Radio France venant alors s’y ajouter, ce qui conduisait à relativiser le caractère plus économe des deniers publics de l’hypothèse du déménagement ;
  • ... enfin, la dimension symbolique du bâtiment pour l’identité du service public de l’audiovisuel, sans être un obstacle à un éventuel déménagement, ne pouvait non plus être ignorée. Compte tenu de l’attachement des personnels à ce lieu historique, des procès en « démantèlement » du service public de la radio n’auraient pas manqué d’être alimentés par la perspective d’un déménagement et les perturbations inévitables dans la vie des salariés liées à une nouvelle localisation.


RÉPONSE DU PRÉSIDENT DIRECTEUR GÉNÉRAL DE RADIO FRANCE

Radio France souhaite conforter sa position de « leader » dans ce contexte de convergence des médias généré par le nouvel environnement numérique, en élargissant son offre de contenus et de services associés et en améliorant ses conditions de diffusion, tout en consolidant son offre de proximité et en faisant évoluer ses programmes historiques, à commencer par France Inter.
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La numérisation permet également de démultiplier l’offre de contenus de Radio France, à partir de la richesse incomparable que constituent les émissions produites jusqu’à présent en vue d’une diffusion hertzienne unique.
La déclinaison, parfois le réassemblage et l’association à des données complémentaires de ces émissions, rendus possibles dans des conditions très économiques par la numérisation des outils, permettent de constituer une offre démultipliée et destinée à de nouveaux vecteurs de diffusion comme l’Internet, l’audiotel, la téléphonie mobile, les SMS ou le Podcasting et bientôt la radio numérique. Cette diversification et cet enrichissement de l’offre de contenus, effectués à moyens constants, représentent pour la société un considérable gain de productivité.


Politique de rémunération et effectif

L’arrêt en 1997 de la revalorisation du point d’indice, applicable à l’ensemble des sociétés de l’audiovisuel, a pu conduire Radio France à compenser l’absence d’augmentation générale de salaire par le recours à de nombreux accords catégoriels. Par ailleurs, l'accroissement du poids des mesures individuelles, s'il résulte pour partie de l'intégration de nombreux personnels susceptibles d'y prétendre en 2000-2001, est incontestablement le corollaire du blocage du point.
En 2005, Radio France a mis en place une mesure générale d’augmentation des salaires de 1% propre à l’entreprise et qui ne se traduit donc pas par l’augmentation de la valeur du point d’indice. Radio France souhaite poursuivre dans cette voie et rééquilibrer sa politique salariale :
- En appliquant chaque année une mesure d’augmentation générale offrant à chacun la perspective d'une évolution de son salaire, et dont le montant et les modalités seraient fixés au terme de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires, en même temps que l’enveloppe consacrée aux mesures individuelles ;
- En réservant les mesures individuelles à la valorisation de la performance ;
- Sans les exclure absolument, en réservant les mesures catégorielles aux évolutions objectives des métiers ou des contraintes de certains personnels (technicité, qualification, sujétions nouvelles…).

... S'agissant des effectifs, Radio France confirme que l'objectif qu'elle se propose de s'assigner, dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens en cours de négociation, est de stabiliser le volume d'emploi (permanent et occasionnel) au niveau constaté fin 2004, et d'assurer le développement de son offre dans ce cadre. Toutefois, l'ouverture projetée de quelques stations locales nécessitera la création de nouveaux emplois.

... Le maintien de Radio France à la Maison de la Radio répondait par ailleurs à la préoccupation d'une large part des personnels concernés pour lesquels le déménagement vers un site éloigné n’aurait pas été sans conséquences personnelles et familiales. Le changement de lieu de travail, en fonction du site retenu, aurait pu présenter le risque pour Radio France d'être qualifié de modification substantielle du contrat de travail de ses salariés.

... Enfin la capacité de Radio France à contribuer, dans le cadre de son budget actuel, au financement de la réhabilitation a été estimée à 7,2 millions d’euros par an sur la durée du chantier, soit environ 30% du coût d'investissement. Ce chiffrage a été réalisé par l’inspection générale des finances et est a priori compatible avec l’exercice par Radio France de ses missions de service public. Bien entendu, la capacité de la société à maintenir ce niveau d'autofinancement sur le long terme, dépendra de l'évolution de ses ressources et avant tout du montant de la redevance alloué par l’Etat.


16 Avril 2006
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