Convention Collective, de pire en pire à France Télé


Le dernier tract de nos confrères de la télé publique nous éclaire sur l'avenir de la future convention collective à Radio France...


Petit traité de mise au pas des salariés de France Télévisions

Convention Collective, de pire en pire à France Télé

Depuis le début des négociations d’un futur statut collectif, au printemps 2009, les Organisations Syndicales ont exigé le maintien et l’amélioration des acquis inclus dans les textes conventionnels et accords d’entreprise. Elles n’ont jamais été opposées à une révision des textes dans tel ou tel domaine afin de tenir compte des évolutions.

Pendant 7 mois, la Direction s’est cantonnée dans un mutisme quasi-total, tant sur la finalité politique de son projet conventionnel que sur les dispositions fondamentales (qualifications, salaires, temps de travail) à négocier. Aujourd’hui, elle a enfin fini par dévoiler l’ensemble de son « texte unique » pour les salariés de France Télévisions. Loin « de la Constitution sociale » vantée par Patrick De Carolis, ce projet n’a pour but que de casser et de rogner tous les acquis des personnels.

Voici un inventaire des dégâts prévisibles …


QUELS METIERS ?

Le concept de « critères classants » détruit totalement la notion de métier, fondamentale dans notre domaine d’activité. La notion d’emploi qui accompagne ces critères classants ne s’identifie plus à un métier ou une fonction, elle ne s’analyse que par le périmètre et le contenu d’une mission.
Depuis des mois la Direction abreuve donc les salariés de la même logorrhée : polyvalence, décloisonnement des métiers, mobilité tous azimuts, passerelle sans visibilité. En réalité ce programme a du mal à masquer la destruction des métiers et l’empilement des tâches.
Plusieurs exemples :

- Dans le domaine de l’information : la Direction veut créer des journalistes pluri-qualifiés, sorte de journalistes à tout faire (conception/rédaction, tournage, montage, mixage, mise en ligne sur le net). De plus les journalistes devraient tourner les reportages « selon l’angle rédactionnel défini par la hiérarchie » et non plus selon l’angle défini en conférence de rédaction et encore moins en fonction de la réalité du terrain. Quant aux JRI, ils se verraient nier la responsabilité éditoriale de leurs images. Pour tous, la notion de droits d’auteur est remise en cause.
La même confusion règne en ce qui concerne les PTA, avec la notion du « technicien audiovisuel de reportage », technicien à tout faire (prise de son, montage, diffusion, prise de vue).

Résultat des courses : destruction d’emplois de techniciens et journalistes, dégradation de la qualité de l’information par dispersion des tâches, surcharge de travail.

Pour tous, la Direction parle désormais de « secteur de l’information » dans lequel elle mélange de l’opérateur prompteur à l’assistant de production, en passant par le rédacteur en chef et en faisant disparaître, au passage, certains métiers (scripte d’édition).

- Les métiers de la production, qui restent pourtant bien identifiés sur le terrain, subissent les mêmes effets de banalisation et de confusion, ce qui en dit long sur la volonté de la Direction de pérenniser cette activité indispensable à l’indépendance de l’entreprise sur le plan de l’approvisionnement des programmes.

- L’ensemble des métiers de la gestion (finances, ressources humaines, programmes) est brassé dans un magma informe au sein duquel il n’est plus possible d’identifier le cœur et le niveau de chaque fonction, pas plus d’ailleurs que l’évolution de carrière.


QUELLE CLASSIFICATION DES EMPLOIS ?

Les emplois sont positionnés sur 11 classes réparties en 4 catégories : ouvriers-employés,
technicien-maîtrise, cadres, cadres de direction. Le niveau 11 est le niveau le plus élevé de la hiérarchie des emplois (hors cadre des dirigeants).
La Direction remet en cause la progression de carrière de toutes les catégories et rend beaucoup plus difficile l’accès à l’encadrement, qu’il s’agisse des PTA ou des journalistes.
Chez les journalistes, les filières reportages et éditions sont positionnées en-dessous de la filière encadrement la filière reportage étant elle-même considérée comme inférieure à la filière édition. Ainsi donc, le plus expérimenté des grands reporters pourrait être moins payé et considéré qu’un jeune responsable d’édition.


QUELS SALAIRES ?

Le système de la Direction fait disparaître les grilles de salaire qui valorisent aussi bien la formation initiale, que l’ancienneté ou encore l’acquisition de la qualification par le biais de l’expérience. Au-delà d’un salaire annuel brut minimal garanti, il n’existe plus aucune perspective de carrière ni d’évolution salariale qui ne dépendrait pas du bon vouloir de la hiérarchie.
Disparaissent les 5% d’augmentation minimale pour une mesure pécuniaire et les 7,5% pour une fonctionnelle aujourd’hui en vigueur pour les journalistes.
L’ancienneté journaliste (5% du salaire minimum de la fonction tous les 5 ans) est plafonnée à 20 ans au lieu de 25. En travaillant plus, les journalistes vont donc gagner moins, au minimum 35000 euros de perte sur une carrière. Les journalistes perdraient aussi les primes pour événements exceptionnels de risque ou d’exploit. Pour les PTA, l’ancienneté à 30 ans est de 9% au lieu de 25% !
Certaines primes sont intégrées lors du passage des salariés dans le nouveau système, rien n’est dit sur toutes les compensations ou les éléments qui n’étaient pas valorisés par les salaires de base.
La notion d’ancienneté est réduite pour tout ce qui donne droit à une prime de départ (licenciement), ou à valorisation de l’expérience professionnelle, seule est reprise la collaboration à France Télévisions et non plus dans l’ensemble du service public comme auparavant.


LA FIN DU PARITARISME

Contrairement à la propagande de la Direction ou aux aigreurs de certains cadres incapables d’assumer leurs choix, les commissions paritaires ne sont pas un outil de co-gestion et encore moins l’instrument qui permet aux syndicats d’avoir la main mise sur les promotions.
Le paritarisme permet simplement d’offrir aux personnels certaines garanties de transparence et d’équité. La Direction conserve, en effet, tout son pouvoir de décision mais elle est tenue de justifier ses choix, au regard d’informations qui permettent aux représentants du personnel de s’assurer d’un traitement objectif de la situation de chaque salarié.
Avec le projet de la Direction, qu’il s’agisse de discipline, de mesures salariales individuelles, de recrutement ou de mobilité, l’encadrement décidera de tout en totale opacité et sans avoir à justifier ses choix. Il ne restera aux personnels, pour assurer leur défense, que le code du travail ou de vagues commissions de suivi ou d’appel qui ne pourront pas faire grand-chose puisque les décisions auront déjà été prises.
Autre élément : un journaliste ne peut être jugé que par ses pairs. En pratique c’est une commission paritaire composée de journalistes qui fait office de juge et peut se réunir avant toute prise de sanction.


QUELLE MOBILITE ?

La Direction affirme qu’il n’y aura pas de mobilités contraintes mais les promesses n’engagent que ceux qui y croient. D’ores et déjà certaines secteurs (communications, finances, ressources humaines) sont déjà menacés par la restructuration.
Les salariés rattachés à un pôle régional risquent de se voir imposer une totale mobilité à l’intérieur de cette structure pour leurs missions. Par ailleurs, le flou des « lettres de positionnement » reçues par les salariés entretient ces incertitudes. Le temps de trajet depuis leur lieu d’affectation ne serait plus décompté comme du temps de travail et serait seulement indemnisé à raison de 50% du salaire horaire par heure de route.


QUELLE DUREE DU TRAVAIL ?

Si le nombre de jours de congés ou de RTT reste le même pour les journalistes, la Direction remet en cause de nombreuses dispositions applicables aux PTA (heures supplémentaires, fractionnement, travail de nuit, travail du dimanche, etc).
Par le biais du « forfait jour » la Direction entend rendre les cadres et journalistes corvéables à merci, sans décompte horaire et ni récupération, un projet redoutable pour la qualité du travail et la santé des salariés concernés.
La Direction souhaite aussi multiplier les astreintes, qui maintiennent les personnels à proximité sans pour autant être payées comme du travail effectif.


QUELLE PLANIFICATION DU TRAVAIL ET DES CONGES ?

Un seul responsable régnerait sur la planification de l’activité de tous les personnels : PTA et journaliste sans partage ni discussion. Dans cette planification à l’année les absences devraient être prévues plus de 10 mois à l’avance. L’objectif est d’obliger le salariés à se remplacer sans recourir aux diverses formes de CDD (occasionnels, intermittents, cachetiers, pigistes). Ce genre de planification a déjà sévi dans certaines régions de France 3 entrainant stress, tensions ou affrontements entre salariés, surcharge de travail, etc..
Les « congés divers » des journalistes sont supprimés pour laisser place à des jours de repos imposés par le planificateur (trois jours de repos dans les semaines comportant un jour férié au gré de l’activité.).
La Direction remet en cause les possibilités d’absence non rémunérée (congés sans soldes des journalistes 2 ans renouvelables trois fois), y compris pour les divers mandats élus, ainsi que les mises à disposition dans les organismes extérieurs pour faire de l’enseignement ou du journalisme.


QUELLES CONDITIONS DE TRAVAIL?

Nous connaissons déjà les conséquences du non remplacement systématique du personnel en congés (voire sur d’autres absences, comme la maladie, la formation, etc). La perspective de suppression de centaine d’emplois dans le cadre du plan de restructuration ne fera qu’aggraver la situation. Par ailleurs la multiplication des emplois à pluri compétences fait peser encore plus de risques pour la santé des salariés.
Rien ne permet donc d’espérer une amélioration des conditions de travail et de la charge de travail, bien au contraire. Partout, les CHSCT de France Télévisions tirent la sonnette d’alarme : les restrictions budgétaires, le bouleversement de l’entreprise et le projet de statut collectif sont porteurs de réels dangers.


UNE DEONTOLOGIE SACRIFIEE, UN CADRE PROFESSIONNEL DILUÉ

La disparition de la notion fondamentale de cœur de métier pour l’ensemble des personnels aura des répercussions concrètes pour les journalistes. La composition des profils de postes à la carte, l’interchangeabilité et la multiplication du travail de desk va « tayloriser » la chaîne de production de l’information. On peut craindre que le journaliste perdre peu à peu la maîtrise de A à Z de son reportage.
Dès lors son métier n’est plus de récolter, vérifier et mettre en forme une information mais de produire du contenu. C’est une manière plus insidieuse d’assujettir le journaliste à sa hiérarchie et donc de pouvoir lui imposer de ne plus faire son métier. Il n’y a plus, dans ce contexte, de place pour la déontologie, l’indépendance, et la conscience.
A partir de ces textes, il est déjà possible de se projeter dans un système de « news factory » où l’information, n’est plus qu’une matière première livrée aux ateliers de packaging.
En fait la direction a fait le choix d’abandonner les acquis en matière de déontologie inscrits dans l’avenant audiovisuel à la CCNTJ et dans des accords d’entreprise (accord de déontologie de France 2).


LA NECESSITE DE DEUX TEXTES DIFFERENTS POUR JOURNALISTES ET PTA

Sans faire d’idéologie ni de corporatisme, l’existence de la convention collective nationale des journalistes « étendue » impose des règles qui dépassent le simple périmètre de France Télévisions et qui s’appliquent à toute entreprise de presse (responsabilité pénale, ancienneté liée à la possession de la carte de presse, principe professionnel, déontologie…). Complété par l’avenant audiovisuel ce texte a sa cohérence.
Dans chaque entreprise de presse en France, le travail des journalistes est encadré par des accords spécifiques. Il est donc plus commode pour nous de négocier deux textes clairs bien identifiés et facile d’application plutôt qu’un texte unique confus ou toutes les interprétations sont possibles…
Enfin un texte unique permettrait à la Direction de mettre en place la casse des métiers et la confusion des genres.

Paris, le 19 février 2010


A lire également, le tract du SNJ France Télévision, après la rencontre du vendredi 19 février avec Patrick de Carolis : Accords collectifs : Carolis, après moi le déluge !


19 Février 2010
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