Chère future patronne, cher futur patron



Chère future patronne, cher futur patron, 
 
Vous êtes peut-être en train de mettre la dernière main au projet grâce auquel vous espérez être choisi(e) pour diriger Radio France, une maison riche de 50 stations et 5000 salariés. 
 
Vous avez lu que France Télévisions occupe quasi à plein temps la ministre de la Culture et que ses dirigeants sont convoqués toutes les semaines au CSA. Radio France, au contraire, ne semble poser aucun problème : un budget équilibré, malgré les coupes renouvelées de la tutelle,  "presque pas"  de mouvements sociaux et le sourire de la ministre et du CSA quand on parle de la maison ronde.
 
Que cette image est trompeuse, cher(e) candidat(e) ! 
 
Radio France est une cocotte minute qui siffle depuis longtemps et de plus en plus fort.
 
Le chantier ne se limite pas au bâtiment de la Maison de la Radio. Le plus gros des travaux reste à lancer en matière de renouvellement de l'offre des chaînes et de dialogue social.

 
Un dialogue social à reconstruire 
 
Vous l'ignorez peut-être, mais la direction sortante présente l'un des bilans sociaux les plus mauvais de ces dernières décennies : aucun accord signé depuis cinq ans !
 
Alors que France Télévisions a réussi à conclure la renégociation de sa convention collective, prévoyant le rapprochement des différentes chaînes, Radio France attend toujours la fin de la négociation de la convention collective générale (qui concerne 4000 salariés). Elle est en chantier depuis... 2009. Un avenant relatif aux journalistes a certes été signé, mais il a été dénoncé, ce qui le rend caduque. 
 
Les 750 journalistes de Radio France sont donc soumis à des "mesures unilatérales" et sont priés de s’en contenter puisque la direction sortante ne veut se risquer à aucune renégociation. Sur aucun sujet d’ailleurs. 
 
Imaginez, cher(e) candidat(e), la situation sociale dont vous allez hériter. Sans oublier qu’un journaliste sur cinq, à Radio France, travaille à la pige ou en CDD. Une précarité synonyme de stress, d’inquiétude et même de désespoir pour ceux qui, pendant des années, travaillent dans nos rédactions avant d’être remerciés.  
 
Le prochain PDG, peut-être vous, devra donc rouvrir ce dossier complexe et négocier un contrat d'objectifs et de moyens qui tienne enfin compte de la réalité du terrain. 

 
Une nouvelle impulsion pour France Inter et France Info
 
Côté radio, là aussi, vous allez avoir du travail. 
 
Nous n’avons pas pour habitude d’avoir le nez collé aux sondages, mais aujourd’hui, nous constatons que les grilles de France Inter et France Info sont usées. Les deux chaînes ont un urgent besoin de nouveau souffle. Pour réinventer ses fondamentaux dans un environnement en pleine mutation, pour France Info. Pour retrouver l’impertinence et l’originalité, pour France Inter. 
 
Le Mouv', lui, en est à son énième projet en quelques années de vie, à sa énième équipe. Cette chaîne mérite de savoir enfin de quoi son avenir sera fait.
 
France Bleu : à première vue, la chaîne aux 44 radios locales va bien côté audiences, mais la nouvelle ligne éditoriale chamboule l'organisation et entraîne un malaise dans de nombreuses rédactions, exprimé récemment lors d'une journée de grève très suivie.
 
Le prochain PDG devra permettre à chacune des sept chaînes de trouver – ou retrouver – son public, ses spécificités. Mais surtout, il ou elle devra confier cette tâche à des professionnels. À moins que vous aussi, Monsieur ou Madame le(la) candidat(e) pensiez être le(la) seul(e) à pouvoir vous en charger. Si c'était le cas, permettez-nous d'exprimer nos plus vives réserves. 

 
Le dossier explosif du multimédia 
 
Lors de son arrivée à la tête de Radio France en mai 2009, Jean-Luc Hees a prédit que, côté  "nouveaux médias", "on pourrait peut-être aller même un peu plus vite que nos concurrents". Cinq ans après, le retard s'est creusé. 
 
Certes, la situation trouvée par Jean-Luc Hees n’était pas fameuse. Avec un contrat d'objectifs et de moyens  qui nous impose, depuis dix ans, de ne pas dépasser 4619 salariés, difficile de créer de toutes pièces les postes "nouveaux médias" dont Radio France a besoin. Il a fallu des années pour dégager des emplois en profitant des départs à la retraite, et leur nombre reste insuffisant.
 
Faute, là aussi, d’une négociation aboutie, de postes et de moyens, Radio France est en retard sur la concurrence et cherche des solutions. France Bleu imagine, par exemple, d'imposer à ses journalistes – en plus de leur travail local et de la correspondance pour Inter et Info – l'alimentation des sites après leur journée de travail.
 
Radio France mérite de réels projets
 
Nous n'irons pas plus loin  dans l'inventaire, sinon au lieu de vous éclairer sur la situation que vous allez trouver, nous allons vous faire passer l’envie de diriger cette entreprise !  
 
Et pourtant... Aucun de ceux qui sont passés par Radio France n’a oublié les deux orchestres, le chœur, la maîtrise, les sept chaînes de radio, le magnifique bâtiment, les salles de concert et surtout les personnels de cette maison, réellement animés par la passion de la radio.
 
En attendant de connaître votre identité et – surtout – vos projets pour Radio France, nous vous prions de recevoir, chère future patronne, cher futur patron, l'expression de notre considération.
 
 
Cette Tribune a été publiée par Le Plus du Nouvel Obs
 



11 Février 2014
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