Le SNJ répond au rapporteur à propos de la chaîne publique d'information











 

Monsieur le député Jean-Marie Beffara
Rapporteur spécial pour les crédits
de la mission Médias
 




Monsieur le Député,

C'est avec une certaine consternation que nous avons pris connaissance des conclusions de votre rapport sur la chaîne publique d'information, présenté ce mercredi 13 juillet devant la commission des finances de l'Assemblée Nationale.

"Son arrivée dans le paysage audiovisuel français vient corriger une anomalie qui faisait de la France le seul pays européen où le service public est absent de ce secteur" estimez-vous, sans autre élément de comparaison. Il aurait pourtant semblé instructif de connaître les pays européens où cohabitent quatre chaînes nationales d'information en continu, et même une cinquième à vocation internationale... ne cherchez pas, il n'y en a aucun, et la France fera donc désormais figure d'anomalie en la matière.

Vos propos apparaissent d'autant plus surprenants au regard de votre analyse, lucide, du secteur : "Les spécialistes assurent que l'audience, très peu élastique, des chaînes d'informations, est de 3,1 à 3,2%. On peut penser que la répartition (de ces pourcentages) va être modifiée, mais on ne sait pas dans quelles proportions. (...) Ainsi, toute évolution concurrentielle pouvant avoir un impact sur l’audience fait peser un risque sur les recettes publicitaires des chaînes présentes sur le marché."

Aussi, Monsieur le Député, permettez-nous de nous interroger sur la nécessité de lancer maintenant cette chaîne publique d'information, alors que l'offre est déjà très conséquente, à moins qu'il ne s'agisse juste d'une volonté de l'actuelle majorité parlementaire d'affaiblir les chaînes privées existantes avant les échéances électorales de 2017 ?

Nous ne soulèverions pas cette question, ni les graves soupçons qu'elle fait peser sur l'indépendance de la chaine publique d'information, si le groupe Radio France n'était pas directement impliqué dans sa naissance, au travers principalement de la radio France Info, laquelle constitue un modèle unique en son genre depuis 1987 et se classe comme la cinquième radio la plus écoutée de France (audience cumulée, Médiamétrie, avril-juin 2016).

Or, comme la délégation du SNJ Radio France vous l'avait longuement expliqué lors de son audition le 21 juin, le surcoût budgétaire pour Radio France de sa participation au projet, que vous chiffrez vous-même à 3,5 millions d'euros en année pleine, aura des répercussions directes sur le fonctionnement de la radio France Info, dont l'offre éditoriale sera appauvrie.
 
Concrètement, plusieurs postes de journalistes vont être supprimés à la rentrée afin de pouvoir affecter des effectifs dédiés à la fourniture de programmes pour la chaine publique d'information, devenue prioritaire par rapport au contenu quotidien offert à nos auditeurs. Les autres chaines du groupe sont également affectées par cette nouvelle offre.
 
La cession à un prix symbolique de la marque France Info par Radio France à France Télévisions, rejetée par les journalistes des deux groupes, entrainera en outre des confusions dommageables pour la radio voire une forme de concurrence interne au sein du service public.
Votre rapport, dont la conclusion favorable semblait écrite d'avance, ignore donc ces réalités et les avis exprimés par les représentants des salariés, pourtant les plus concernés par la création de la chaine publique d'information !
 
Le SNJ Radio France ne saurait évidemment accepter les conséquences aussi néfastes pour la radio France Info et vous pourrez bientôt mesurer celles que suscite le fait de vouloir ainsi imposer politiquement un tel projet, malgré l'opposition des rédactions.

Veuillez agréer, Monsieur le Député, l'expression de notre très haute considération.
 
 
Le Bureau national du SNJ Radio France



19 Juillet 2016
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